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ANCIENNE COURONNE
•Exposition Daniela de Maddalena
Quand le désir le dispute à l'aversion
Anita NARDON -
A.I C A. (juin 2001)
La foule, l’abondance et la sérénité.
Artikel von Susanne Buckesfeld Article de Thierry Luterbacher Interview von Sladjana Drobnjak Bieler Tagblatt diverse Zeitungsartikel

ANCIENNE COURONNE – Exposition Daniela de Maddalena

Quand le désir le dispute à l'aversion

Par

Isabelle Graber

Visages d'ici ou d'ailleurs, leurs regards se perdent aux frontières de l'horizon ou heurtent de plein fouet le spectateur. Les personnages de Daniela de Maddalena sont à découvrir jusqu'au 10 mars à la galerie de l'Ancienne Couronne. Une œuvre engagée, qui n'est pas sans rappeler certains tableaux du New-Yorkais Edward Hopper.

Lorsqu'il arrive à l'Ancienne Couronne, le visiteur ne peut s'empêcher de lorgner par les vitrines de la galerie, masquées de papier blanc. Des interstices soigneusement aménagés invitent au voyeurisme: la première fenêtre s'ouvre sur des miroirs, qui renvoient le spectateur à son image. Il se découvre ensuite entouré de déchets divers, avant de se confronter à des dizaines de visages modelés d'un coup de pinceau sauvage, presque rageur. Sur le pas de la porte, Daniela de Maddalena affiche un sourire éclatant: «Vous aimez mes vitrines?» La bouche s'élargit encore lorsqu'on émet quelque hasardeuse supposition: «Faut-il les interpréter comme autant de clés de lecture permettant de mieux comprendre votre expo?» «Effectivement. Mais j'adore parler de ma peinture, de mes envies et de mes tourments, alors venez plutôt la visiter avec moi.» A peine entré dans la galerie, le visiteur est happé par trois grands personnages assoupis, dont il s'attend presque à voir les yeux s'entrouvrir dans un sursaut. «Ces trois personnages ont été photographiés à New York, à Milan et à Genève. J'adore leur laisser-aller, qui laisse en même temps présager d'un brusque réveil. C'est un moment volé au temps.»
En bonne voleuse d'images, Daniela de Maddalena ne se sépare jamais de son appareil photo: «Je réalise mes tableaux à partir des photos que je prends, qu'il s'agisse de personnages ou de matière.» Car si elle avoue une tendresse particulière pour la gent humaine, l'artiste n'en délaisse pas pour autant les objets, voire les déchets. «Lors d'une visite à la Müra, j'ai été fascinée par les amas d'ordures. Ils résument à merveille l'un des aspects fondamentaux de l'existence, qui est le paradoxe de la beauté et de l'horreur.»
Tout près des dormeurs cosmopolites, des triptyques figuratifs alignent leur cortège de déchets plus ou moins colorés. Etrange beauté en effet que celle de ces rebuts d'une société croulant sous l'abondance. Une société sur laquelle Daniela de Maddalena n'hésite pas à pointer un doigt accusateur: «La crise de la fièvre aphteuse et les images des charniers sur lesquels s'entassaient des cadavres de moutons m'ont traumatisée.»

Regards croisés

Dans la cour intérieure de la galerie, un tableau de grande envergure témoigne de ce cauchemar. Accroupi sur un tas de cadavres encore fumants, un homme chauve détourne son regard, moitié Ghandi - moitié gargouille. Une bande-son accentue la sensation de malaise du spectateur: un feu crépite, des agneaux bêlent, puis se sont les rires hystériques de deux femmes, qui se lancent des «Bon appétit» aux relents écœurants. «Lorsque je peins, je suis en perpétuelle recherche des choses qui attirent, mais aussi de celles qui repoussent. Je trouve essentiel de porter un regard critique et politique sur le monde et sur les gens. Et je regrette parfois que les artistes ne soient pas plus engagés.»

Au-delà des regards

La peinture de Daniela de Maddalena n'a pourtant rien d'un manifeste vindicatif. Au-delà d'une esthétique impeccable (que l'on pourrait sans doute qualifier de neoréaliste), chaque tableau distille son lot d'émotions, qu'elles soient de l'ordre du désir ou de l'aversion. Les gros plans de matière minérale - déchets, cailloux ou détails architecturaux - offrent une grille de lecture différente aux grands personnages qui affrontent de plein fouet le spectateur. «Cette série de portraits en pied quasi grandeur nature m'a été inspirée lors d'une Street parade. La foule me séduit autant qu'elle me fait peur.» Des sentiments qui animent aussi le spectateur lorsqu'il se heurte aux regards des personnages de Daniela de Maddalena. A grands traits de couleurs vives, l'artiste condense en autant de fenêtres les bonheurs et les malaises de chacun face à son destin. Une exposition à découvrir comme on affronte parfois son propre visage devant la glace... I. G.
· Exposition Daniela de Maddalena, à voir jusqu'au 10 mars à la galerie de l'Ancienne Couronne, du mardi au dimanche.